quand le peintre est absent la peinture continue/
elle mature sans les yeux ni la main qui la font/
elle se couvre d'elle-même d'une épaisseur nouvelle
qu'on appelle le temps/
quand le peintre revient l'inconnue le surprend/
le peintre la dévisage et ne reconnait ni la peau ni la chair/
ni le geste, ni sa fleur/
le peintre est un idiot que la peinture guérit/
sédiments/pulsations
une pulsation qui sédimente
le regard caché de la couleur dans l'épaisseur de la matière
dans un espace confus, fomenter l'harmonie
s'extirper du confus
sensuelle et radicale, sensorielle et bourrative
la croûte et sa palpitation radicale
atteindre une texture dans une énergie improvisée
transmuer de la peinture séchée en matière contenant de l'énergie
on n'est jamais loin de la seule peinture séchée, certaines zones n'y échappent pas
atteindre une texture dynamique, sensible, émotionnelle
les couleurs se superposent, complémentaires ou par les seules nuances de tons
un rouge n'est jamais tout à fait pur mais par endroit déchiré dans sa marque, sali de vert, de brun, de toute autre chose, sortie du tube
chercher l'expressivité de la pâte
s'offrir l'évènement d'une apparition
peindre contre ce qui vient d'apparaitre ou respecter le surgissement des signes et des images
/ la main libère l'esprit
inscrire sa sensation dans la chair même de la couleur
raconter l'histoire des équilibres et des tensions minuscules
inventer des circulations
les tonalités en contrepoint
inventer un langage hors soi
des transitions suaves et des laideurs en contrepoint
souvent tout l'esprit d'une peinture en cours se trouve localisé dans une zone de la toile; il faut alors le saisir et le développer dans tout le tableau
une petite fabrique vibratile
créer une singularité comme on dit d'un trou noir qui absorbe tout ce qui passe à proximité
il y a toujours une part expérimentale dans la réalisation d'une peinture; on navigue entre artisanat de sa propre œuvre et l'expérimentation de solutions nouvelles
/ chair mentale
générer des fluidités qui circulent dans l'œil
/ des richesses successives
aller à l'atelier pour chercher des ombres et des humidités, un surgissement crayeux
abattre au passage une forme qui s'écroule dans des bleus orientaux et des verts anglais
chercher l'état définitif où cette peinture abrite la mort déçue de minuit cinq
dès que je vois apparaître un fantôme flagellé je le flagelle encore... et puis je verse à son oreille les mots blancs de la consolation et sur son cœur dissout un reste de pâte brune... j'achève son pardon dans le temps du séchage
une peinture impensable
parfois je vois un ciel dans ce que je peins et je peins dans ce ciel une forme de nuage; d'aucuns y verront un lapin quand c'est une paire de ciseaux _ je découperai le réel en huit parties égales: une pour la langue, une pour l'instant, une pour la mémoire, une pour la joie, une pour l'enfance, une pour la mort, une pour le poème, une pour le silence
(...)